Stage : Le grotesque dans le tragique
A eu lieu le 01/08/2014
LE GROTESQUE DANS LE TRAGIQUE: jouer, mettre en scène, écrire, transmettre le « tragique jubilatoire »
PROGRAMME ET CONTENUS DE LA FORMATION
La tragédie s’appuie sur le mythe pour rendre compte de la réalité de la cité et de l’homme. Il y a là un paradoxe qui n’est qu’apparent. De fait le réel est incertain et pas totalement déchiffrable. Il peut échapper à la rationalité. Les sciences contemporaines confirment ce fait : le réel n’est pas impératif, comme on le croit, ses apparences sont fragiles et son essence est cachée ou inconnue. Cette incertitude du réel met l’homme face à une interrogation sur le sens des choses. D’où l’emprise du mythe sur le réel car il produit du sens. Or toute communauté humaine a besoin d’une représentation du réel chargée de signification, afin de se situer. La tragédie, interrogeant à travers le mythe la réalité de l’homme et de la cité, se pose comme un théâtre du questionnement. La puissance symbolique des mythes nous touche même de nos jours et cela rend possible la représentation de la tragédie. Cela permet que des textes tragiques continuent à s’écrire et à se jouer.
Il est courant d’opposer le jeu surtout extérieur de l’acteur comique au jeu plus intérieur de l’acteur tragique : en effet dans la tragédie l’homme est placé au cœur de l’horreur. Mais pourtant le tragédien ne cesse de penser au bonheur : « comme tout aurait pu être beau ! » D’autre part, dans la tragédie l’homme se trouve face à sa difficile condition : il se pose des questions sur son identité, sur l’existence. Il est persuadé du non-sens de la vie : c’est la plongée de Macbeth pour qui la vie « est une histoire conté par un idiot, pleine de bruit et de fureur, ne signifiant rien ». C’est ce sentiment tragique de l’absurdité de l’existence que nous souhaitons explorer.
Pour ce faire, nous allons privilégier le mythe et la tragédie de Macbeth, non seulement dans le texte de Shakespeare, mais à travers certaines de ses réécritures récentes et aussi à travers la réécriture originale au plateau de nos stagiaires. Pourquoi réécrire ? Quelles nécessités poussent de nombreux praticiens de la scène à redire autrement, sous une nouvelle forme, avec d’autres moyens d’expression, ce qui a déjà été dit ?
La réécriture est une forme de contestation d’une pensée et d’une culture qui sont à dépasser, tout autant que d’une forme dramatique qui ne correspond plus aux transformations de la société. Trahison et détournement du sens initial ne sont donc pas des défauts par rapport à l’œuvre d’origine, mais l’affirmation d’un positionnement politique ou philosophique, d’un acte de création autonome et affranchi de toute nécessité d’une quelconque fidélité par rapport à l’œuvre initiale. Les acteurs, les auteurs, les metteurs en scène qui pratiquent la réécriture sont aussi ceux qui mettent en question et en crise le spectacle comme illustration d’un texte et qui inventent des potentialités scéniques permettant de créer de nouvelles formes, des écritures scéniques mettant en jeu de nouvelles technologies : des auteurs-acteurs inventifs comme Giovanni Testori (Macbette dans notre co-traduction Sylvia Bagli et Giampaolo Gotti) ou des acteurs-auteurs de génie comme Carmelo Bene (Macbeth Horror Suite) sont de grands inventeurs de formes et de grands critiques quant à la forme de la tragédie contemporaine, qu’ils appellent à dépasser à la découverte de nouveaux modes de narration.
Mettre ces œuvres sur le plateau nécessite pour l’acteur et le metteur en scène la maîtrise à la fois du jeu « de réalité » (structures psychologiques) et celle du jeu « du mythe et de la tragédie » (structures ludiques). Il est aussi nécessaire d’acquérir l’aisance pour passer de l’un à l’autre afin de tisser des liens inattendus, surprenants et paradoxaux entre réalité, mythe et tragédie. Pour le jeu « de la réalité », les stagiaires devront se confronter à la stratégie que Stanislavski a élaborée à la fin de sa vie (méthode des études ou analyse-action) en passant par Maria Knebel et Anatoli Vassiliev. Ils seront appelés à intégrer des éléments tels que événement, conflit, combat, actions (internes, physiques, verbales) perspective, structure, composition. Pour le jeu « du mythe et de la tragédie », c’est à travers les outils développés par Michael Chekhov (méthode synthèse-action) en passant par Michail Boutkevitch et Jurij Alschitz que les stagiaires aborderont le travail.
Objectifs principal: se réaliser en tant qu’artiste original, créatif et indépendant, auteur autonome du texte, du jeu, de l’action, du geste, du rôle et du spectacle.
Agrément de formation : 117 52 05 27 75
Profil professionnel des stagiaires : Acteurs, metteurs en scène, réalisateurs, conteurs, comédiens-auteurs, comédiens-coaches d’acteurs
Prérequis et expérience professionnelle des stagiaires : Professionnels du spectacle
A – Créer la dramaturgie
Objectif : Trouver l’angle d’attaque et l’intérêt majeur et la forme que l’auteur-comédien envisage d’aboutir en fin de parcours pour construire son texte final.
Contenu : – Dégager les enjeux des scènes que l’auteur comédien aura envie de mettre à l’épreuve du plateau. - Déterminer quelle langue comme un objectif. - Réfléchir sur le lien à l’animalité, au divin et au fantastique. - Aboutir à une version définitive d’un monologue ou d’une scène.
Méthode et démarche : Séances collectives de dramaturgie. Relation permanente entre la table et la scène. Designer un maître de séance comme script de la scène jouée pour permettre un accompagnement. Retravailler la matière à la table en repérant les enjeux manquants. Déconstruire et reconstruire jusqu’ à trouver l’équilibre entre la structure, les enjeux et la langue.
B – Jouer selon les structures psychologiques et les structures ludiques
Objectif: Identifier des distances, des tensions entre le sens de l’œuvre, l’intuition du comédien et les attentes du public.
Contenu : – Formuler les repères et les critères implicites et explicites de la lecture des textes inspirés du mythe de Macbeth. - S’entraîner à jouer selon sa propre nature de comédien et la psychologie du personnage. - Découvrir le mode de jeu ludique des idées paradoxales.
Méthode et démarche : Séances collectives de dramaturgie d’acteur. Training quotidien de l’acteur. Relations permanentes entre : – analyse textuelle - exercices - passage au plateau - analyse scénique
C – Mettre en scène le grotesque et le tragique
Objectif : Poser une problématique et une méthodologie de l’œuvre et de son double processus de création.
Contenus : – Construire des séquences en s’appuyant sur les éléments grotesques des situations données. - Transformer la séquence grotesque à travers l’allégorie et le mythe dans un univers tragique. - Construire des outils méthodologiques à partir de trois dynamiques qui sont l’analyse, l’action et l’improvisation. - Étendre ces dynamiques au contexte philosophique, artistique et culturel actuel.
Méthode et démarche : Séances individuelles et collectives de dramaturgie. Rencontres assistées metteur en scène – comédiens. Tâches individuelles de construction d’une ligne visuelle scénique. Tâches individuelles de construction du dialogue. Tâches individuelles de construction de la ligne d’action interne.
D – Organiser la spontanéité de l’acteur
Objectifs : Mettre en place un système d’accompagnement et de coaching : pratiquer l’approche maïeutique.
Contenus : Se familiariser aux techniques de composition. Trouver et appliquer le conflit principal d’un texte. Vérifier et proposer de manière efficace l’événement principal d’une scène. Rechercher et transmettre la perspective du rôle.
Méthode et démarche : Séances pratiques et théoriques de coaching d’acteur. Choix concordé avec un metteur en scène d’une scène à finaliser et créer avec lui le training approprié.
Le training
Nous allons travailler avec un training physique qui fera suite à une analyse textuelle. En effet dans la tragédie nous sommes face à un labyrinthe de mots qui possèdent un aspect matériel consistant et qu’il faut maîtriser, car notre travail ne se situera pas dans leur musicalité, mais dans l’exploration du sens pour en extraire l’action. Les comédiens suivront un training spécifique qui regroupe les différents modes de traitement des mots du texte. Il ne s’agit pas là d’un travail sur l’intonation, mais sur l’énergie du mot : par cette attitude ils seront amenés à provoquer les mots à travers une utilisation inhabituelle, voire artificielle, du verbe. De telle sorte on vise à faire résonner le verbe sans le juger, renonçant à jouer son reflet humain et en accepter son existence en soi, dans sa réalité originaire, qui est souvent barbare, parfois monstrueuse, toujours tragique. Le conflit se dégageant entre la fidélité à l’analyse faite et la poussée centrifuge permanente du flux des mots, va générer chez les comédiens l’énergie et le plaisir du jeu.
Mais comment traiter l’action verbale ? Comment diriger cette action pour éviter que ce verbe dans l’espace scénique se réduise à de la récitation avec son appareillage d’intonations et de sonorités? Le training dès la deuxième semaine prendra deux directions, l’une verbale-vocale et l’autre psycho-physique. D’une part, l’objectif du training verbal-vocal sera de faire travailler les acteurs sur l’énergie, afin que la langue puisse exprimer ce que d’habitude elle n’exprime pas, devenir comme un « ébranlement physique et d’incantation » (Artaud). Parallèlement, ce training sera vocal – il mettra notamment en jeu des exercices de polyphonie. C’est une manière aussi d’entendre l’écriture et la mise en scène: comme dans un roman, les personnages vivent une sorte de vie parallèle. Ce principe de polyphonie – qui touche aussi bien le jeu des acteurs que les lignes visuelles ou sonores – joue sur des ressorts avant tout rythmiques, comme l’improvisation en jazz…
D’autre part, l’objectif du training psycho-physique sera double : d’une part la constitution d’un ensemble, socle indispensable à la naissance d’une tragédie polyphonique ; d’autre part, la recherche de ce qu’Artaud appelait un corps-hiéroglyphe, c’est-à-dire un corps prêt à explorer des sensations inhabituelles et à être mu par les impulsions du subconscient, plutôt que par lesinjonctions durationnel.
Supports fournis aux stagiaires
Textes
Textes principaux fournis aux stagiaires - Giovanni Testori, Macbette, traduction de Giampaolo Gotti et Sylvia Bagli, œuvre inédite en français.
– William Shakespeare, Macbeth, traduction de André Markowicz, édition Le solitaires intempestifs,
– Francesco Maria Piave, Macbeth, livret de l’Opéra de Giuseppe Verdi
– Carmelo Bene, Macbeth Horror Suite, dans Théâtre Oeuvres completes II, traduction de J.-P. Manganaro, éditions P.O.L., 2004
– Giuseppe Verdi, Macbeth, Italo Tajo et Orchestre de la Scala de Milan (1997), EMI 2008
Extraits
– Constantin Stanislavski, La Ligne des Actions Physiques, textes réunis par Marie-Christine Autant-Mathieu, éditions L’entretemps, Collection Les Voies de l’acteur.
– Evgueni Vakhtangov, Ecrits sur le théâtre, 2000. L’Âge d’homme.
– Michael Chekhov, Être Acteur et L’Imagination créatrice de l’acteur, Ed. Pygmalion, 1999. - Maria Knebel, L’Analyse-Action, Ed. Actes Sud-Papiers, coll. Apprendre, n° 23, juillet 2006.
Images :
Tableaux de Giovanni Testori et tableaux de différents auteurs liés au mythe de Macbeth
Moyens techniques :
Accessoires, costumes, régie, captation vidéo des travaux.
Espaces de répétition en dehors des horaires de stage
Visite
Journée de travail sur « les formes de la tragédie » au Petit Palais
Évaluation pédagogique en fin de parcours.
MODALITÉS D’ÉVALUATION
1/ Des objectifs artistiques et techniques seront fixés pour chaque stagiaire en début de stage, et réévalués la seconde semaine par les stagiaires eux même en concertation avec les formateurs.
2/ Synthèse : Une présentation de travaux aura lieu le dernier jour du stage
3/ Bilan : après la présentation de travaux aura lieu un bilan général du stage. Les formateurs donneront une appréciation individuelle mesurant les progrès acquis en fin de stage, ainsi qu’une appréciation mesurant le niveau général du stagiaire. Il s’agira surtout de dégager le potentiel de chacun et de pointer les qualités qui leur auront été révélées pendant le stage afin qu’il puisse les développer.
1ere semaine : du 15 au 19 juillet
2ème semaine : du 21 au 25 juillet
3ème semaine : du 28 juillet au 1er août
*1 seule semaine (35 heures):
pro: 595€(17€/h)
normal: 420€ (12€/h)
étud-chôm: 350€ (10€/h)
RSA: 280€ (8€/h)
*2 semaines (70 heures):
pro: 1.190€ (17€/h)
norm: 770€ (11€/h)
étud-chôm: 630€ (9€/h)
RSA: 490€ (7€/h)
* 3 semaines (105 heures):
pro: 1.819€ (17€/h)
norm: 1.050€ (10€/h)
étud-chôm: 840€ (8€/h)
RSA: 630€ (6€/h)
* du 15 juillet au 1er août
*Durée du stage : 105 heures — 15 jours — Durée hebdomadaire : 35 heures
– Journée type semaine 1 (ligne politique): 10h-11h30 : Training 11h45-13h : Analyse des textes originaux 14h-15h30 : Travaux par groupes 15h45-17h : Présentation scénique des travaux 17h-18h : Analyse des travaux
– Journée type semaine 2 (ligne érotique): 10h-11h30 : Analyse des textes réécrits 11h45-13h: Travaux par groupes 14h-15h30 : Training 15h45-17h : Présentation scénique des travaux 17h-18h : Analyse des travaux
– Journée type semaine 3 (ligne métaphasique): 10h-11h30 : Travaux par groupes 11h45-13h: Présentation scénique des travaux 14h-15h30 : Analyse des travaux 15h45-17h : Training 17h-18h : Présentation scénique des travaux